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Les milles et une facettes de la biodiversité






Presque invisible, lentement, au rythme de quelques mètres par heure, il avance au milieu des feuilles jaunes. Alors que je ratisse le jardin, j'aperçois sa carapace brillante. Un peu plus je l'aurais écrasé. C'est un scarabée rhinocéros qui arbore fièrement sa corne en poussant les feuilles mortes. Je n'en ai jamais vu de si grand. Il mesure bien 4 ou 5 centimètres. Je l'observe un moment, solitaire dans ce petit bout de nature qu'est mon jardin. J'appelle les enfants qui s'extasient devant ce colosse, se demandant s'ils osent ou pas le prendre dans leur main.

Les insectes coléoptères sont le groupe pour lequel on recense le plus d’espèces connues, environ 400 000. Ce chiffre à lui seul donne une idée de la richesse vertigineuse de la biodiversité. Mais quand on y pense, qu’appelle-t-on exactement biodiversité ? En cette journée mondiale de la biodiversité qu’est le 22 mai, essayons d’y voir un peu plus clair.


Biodiversité : qu'est-ce que ça veut dire ?


Quand on pense biodiversité, on pense d’abord aux espèces présentes sur Terre : abeilles, vers de terre, girafes ou lémuriens. En réalité, la biodiversité, contraction de biologique et de diversité, s’articule autour de trois niveaux, interdépendants les uns des autres : la diversité des écosystèmes, la diversité des espèces et la diversité génétique de ces espèces.

La biodiversité des écosystèmes regroupe toute la variété des environnements : lacs, prairies, montagnes, déserts de sable ou toundra, et le développement d’espèces endémiques de ces environnements. Il peut s’agir d’étendues très vastes, comme le désert subsaharien, ou d’écosystèmes très petits autour d’un point d’eau ayant un microclimat particulier par exemple. A très petite échelle, tout un écosystème se développe aussi dans un être vivant : micro-organismes, bactéries, virus nous tiennent compagnie en permanence… On parle d’holobionte ou de supraorganisme pour caractériser l’ensemble du corps humain et de tous ces indispensables colocataires.

Au sein de ces écosystèmes, les espèces présentes interagissent et ont besoin les unes des autres pour survivre et pour permettre à l’écosystème de survivre.


La diversité de ces espèces représente le deuxième niveau de la biodiversité. C’est le nombre d’espèces différentes vivant sur Terre. Aujourd’hui, on estime entre 8 et 12 millions le nombre d’espèces présentes actuellement sur Terre. C’est énorme, mais parmi ces millions de plantes, champignons, bactéries ou animaux, à peine 2 millions sont recensés.

A la fin de l’année 2018, des chercheurs américains ont publié dans la revue Proceedings of the National Academy of Science une étude recensant la répartition de toutes les espèces connues ou supposées. Malgré des incertitudes importantes dans les estimations, ils ont réussi à estimer que, parmi les 550 Gt de carbone que représente par la biomasse terrestre, les plantes constituent à elles seules 450 Gt C (Gigatonnes de carbone) quand les animaux comptent pour 2 Gt C. Parmi les animaux, les humains constituent 0,06 Gt C ! Le reste ? Bactéries, champignons, archées ou virus. Autant dire que la biodiversité des espèces va bien au-delà des animaux emblématiques tels que les abeilles, les ours polaires, les vers de terre ou notre ami le scarabée rhinocéros.


Le troisième niveau de la biodiversité, c’est la biodiversité génétique, c’est-à-dire la richesse et la variété du génome au sein d’une espèce donnée. Le nombre de points sur une coccinelle, la couleur de nos yeux ou l’implantation des tâches sur le pelage d’un jaguar sont dues à la variété génétique présente au sein de l’espèce et transmise par les individus géniteurs.

C’est cette biodiversité des gènes qui rend possible l’évolution et l’adaptation d’une espèce à son environnement. En effet, plus les gènes présentent de déclinaisons possibles, plus les individus de l’espèce pourront répondre aux modifications de l’environnement de manière multiple et efficace. A l’inverse, plus les individus d’une espèce sont proches génétiquement, plus une maladie pourra se répandre vite au sein d’une population. C’est ce qui s’est passé dans le cas de la grande famine irlandaise au milieu du XIXème siècle : les pommes de terre cultivées présentaient une faible diversité génétique et n’ont pu se défendre contre l’invasion des pseudo-champignons provoquant le mildiou. Les récoltes ont été réduites à peau de chagrin, laissant la population dans la famine.


Ces trois échelles de biodiversité sont dépendantes les unes des autres. Des espèces vivant dans un écosystème particulier auront du mal à s’adapter rapidement à la diminution ou à la destruction de celui-ci. Un écosystème donné pourra s’organiser et survivre parce que les espèces interagissent pour se nourrir, se reproduire, résister aux attaques. Une espèce de fleur sera capable de survivre dans un environnement grâce aux mutations génétiques permettant à ses pétales d’attirer plus de pollinisateurs.


Pourtant aujourd’hui, on le sait, la biodiversité, à toutes ses échelles, est en péril. La sixième extinction de masse des espèces est en cours et de nombreuses menaces pèsent sur les écosystèmes. Sans surprise, ces menaces sont essentiellement d’origine humaine.


Quelles menaces avec quelles conséquences ?


La réduction de l’habitat, par la déforestation, l’urbanisation, l’agriculture intensive, est une menace capitale. La conséquence de cette réduction est une baisse drastique du nombre d’individus d’oiseaux ou de mammifères sauvages notamment. L’étude de PNAS citée plus haut indique par exemple que de nos jours, les populations d’animaux d’élevage (ovins, bovins, volailles) sont largement supérieures aux populations d’animaux sauvages (14 fois de mammifères d’élevage et 3 fois plus d’oiseaux d’élevage).

La chasse et le braconnage d’animaux sauvages pour leurs supposées propriétés magiques affectent aussi très largement ces populations. La pêche intensive, en plus de réduire les populations de poissons sauvages et de détériorer les fonds marins, tue aussi près de 400 000 oiseaux marins par an, pris dans les filets de pêche.

Les populations d’insectes sont aussi sévèrement touchées par l’utilisation de pesticides et de produits phytosanitaires de l’agriculture et de l’élevage intensifs. La situation des abeilles victimes des néonicotinoïdes a été très médiatisée il y a peu, mais de nombreuses autres espèces d’insectes sont touchées.

Le changement climatique a aussi un impact direct et réel sur la biodiversité. En affectant les habitats et les écosystèmes, des espèces sont conduites à migrer vers des zones climatiques qui leur sont plus favorables. Les plantes sensibles à la chaleur grimpent à des altitudes de plus en plus importantes, alors que les insectes ayant besoin d’une température moyenne plus élevée s’en vont vers des zones autrefois plus froides. Ce à quoi il faut ajouter les invasions par des espèces exotiques envahissantes (EEE) importées volontairement ou non par les humains, comme le moustique tigre ou la tortue de Floride en France métropolitaine.


Certes, les écosystèmes, les espèces, les individus ont appris à s’adapter aux changements que la Terre a connu. Mais les modifications de climat, d’environnement, d’habitats provoqués par l’espèce humaine sont bien plus rapides que les changements à l’échelle géologique. Dur dur alors pour les plantes, les animaux ou les champignons d’évoluer à cette vitesse.

Forte de ses territoires d’outre-mer, la France compte 10 % de toutes les espèces décrites dans le monde. Mais elle est aussi 6ème dans la liste des pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées (selon la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature UICN). Il est donc largement temps d’agir pour protéger cette richesse, et nous avons tous les moyens de le faire.


S’informer pour mieux protéger


On prend mieux soin de ce que l’on connaît et les sites pour aller plus loin dans la connaissance de la biodiversité sont nombreux. S’informer permet aussi de dépasser nos peurs des petites bestioles et nous incite plutôt à les protéger. Par exemple, saviez-vous que ce qu’on prend souvent pour des guêpes ou des moustiques, comme les syrphes et les cousins, ne sont en fait que … des mouches, parfaitement inoffensives ?

Voici quelques références de sites complets, sur lesquels on peut trouver des articles clairs et des infographies parlantes :


- L’office français de la biodiversité est un portail complet avec beaucoup de ressources approfondies et spécialisées, une vraie mine !


- L’inventaire national du patrimoine naturel vise à faire « l'inventaire des richesses écologiques, faunistiques, floristiques, géologiques, minéralogiques et paléontologiques ». Là encore de nombreuses ressources très complètes, avec notamment une publication annuelle sur les 100 chiffres de la biodiversité en France.


- Le podcast La démocratie des abeilles, où comment tout savoir sur ces sociétés en étant bercé par la voix envoûtante de Jean-Claude Ameisen, médecin, chercheur mais surtout producteur de l’émission “Sur les épaules de Darwin” sur France Inter.


- Accompagner les enfants dans leur découverte de la nature, avec des magazines comme Salamandre, La Hulotte et ses dessins si précis et surannés, ou le tout récent podcast Bestioles de France Inter.


- Le magazine Veir a publié un article très complet sur le déclin des insectes dans son numéro 5, avec de nombreuses pistes pour agir depuis chez soi.


Il n’est pas indispensable de tout comprendre pour s’extasier devant la richesse de notre environnement. S’asseoir sur un banc, dans le sable, au milieu d’une prairie et ne rien faire sinon observer ces petits mondes qui nous entourent et dont nous faisons irrémédiablement partie….



Et vous, quel sera votre programme pour la journée mondiale de la biodiversité ?




lien vers l'article de PNAS : https://doi.org/10.1073/pnas.1711842115

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