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L'ikigai pour se reconnecter à la nature


Nous sommes pour la plupart tou.te.s capables de citer un instant particulier de nos vies où nous avons ressenti un bonheur pur et simple, un lien profond, un état émotionnel authentique et sincère au contact de ce que nous appelons communément « la nature ».


Cela peut-être lors d’une rencontre inattendue avec un animal sauvage, une balade après la pluie et l’odeur de la terre mouillée qui inonde nos narines ; en prenant appui contre un arbre pour feuilleter le dernier succès en librairie, profitant de l’ombre que le feuillage nous prodigue sous un soleil de plomb ou encore, en marchant pieds nus dans l’herbe humide et fraîche après la pluie ; en observant le ballet d’une abeille qui butine une fleur ou une armée de fourmis rentrant au QG.


Nous pourrions plonger encore plus loin jusqu’à notre enfance et nous rappeler combien la nature fut synonyme de plaisir, d’excitation, de palpitations ; combien nos premières impressions du monde ont été façonnées par nos interactions avec celui-ci dans sa forme brute et intacte, immédiatement accessible. A chaque âge ses expériences : à quatre pattes, le moindre caillou sera retourné, humé, pesé, déplacé, parfois même léché (voire sucé joyeusement, au grand dam des parents qui retiennent leur souffle jusqu’à ce que l’objet du délit soit recraché). Petit marcheur, ce sont les petits petons qui frissonnent au contact du sol et les mains qui papillonnent sur les multiples surfaces et diverses aspérités. Un peu plus grands, les lois de la physique seront testées sans concession ; vélocité et verticalité seront mises à l’épreuve : Puis-je sauter de tel rocher sans me blesser ? Courir pour prendre suffisamment d’élan avant de sauter de pierre en pierre pour traverser ce ruisseau ? Grimper en haut de cet arbre (et refaire le mariole devant les mêmes parents, décidément !) ?


Il est quasiment impossible même pour les plus citadins d’entre nous de ne pas citer au moins un ou même plusieurs exemples de ces instants si anodins et pourtant si fondamentaux. Alors à quel moment avons-nous perdu ce lien intime que nous tissons intuitivement très tôt avec notre environnement ? Pourquoi celui-ci peut-il être si facilement affaibli, malmené parfois jusqu’à la triste rupture ?


La perte de ce lien est flagrante et palpable. Nous avons moins de connaissances sur la nature, les animaux et les arbres, des connaissances nécessaires à une bonne stratégie de sauvegarde (combien d’autres espèces d’abeilles connaissons-nous autres que l’abeille domestique par ex. ? Celle-ci est en effet ... une espèce parmi 2000 !). Nous consacrons volontairement ou pas beaucoup plus de temps à notre vie professionnelle qu’à des moments ritualisés de déconnexion - aussi importants - dans la nature. Nous préférons le plus souvent des haies bien taillées et des allées impeccables aux espaces sauvages indispensables à la venue d’une faune et flore plus riche et variée. Nous privilégions des méthodes d’apprentissages où nous attendons de nos enfants d’être sagement assis derrière leurs pupitres lorsque les études se multiplient en faveur d’un apprentissage actif et immersif en plein air.


Nous avons besoin de comprendre un peu mieux ce qu’est la nature, notre relation à elle, et de l'appréhender par notre esprit et nos sens. Nous gagnerions à renouer avec elle en l’intégrant complètement à ce qui compose notre quotidien plutôt qu’en l’opposant à celui-ci, comme une contrainte qui s’y ajouterait. En réalité, rester en contact avec la nature se conjugue parfaitement avec nos préoccupations les plus courantes ; cela ne nous ôte du temps ni ne nous rajoute des obligations. Et si au contraire, cela éclairait nos activités professionnelles voire lui donnait un peu plus de sens ? Et si cela renouvelait nos passions et réchauffait nos vocations ? Et si cela nous donnait finalement l’occasion de créer du liant entre les différentes composantes qui contribuent à notre épanouissement personnel ? Et si cela resserrait tout simplement nos liens sociaux ?


La nature et ses bienfaits


Notre dépendance à notre environnement et l’impact extrêmement positif de celui-ci n’est plus à démontrer, les bienfaits - nombreux - sont d’ordre psycho-affectif, sanitaire, moteur, cognitif, socio-culturel et tant d’autres (voir notre article précédent sur la biodiversité et ses apports).


Certaines études semblent par exemple suggérer que des substances libérées par les arbres pour se protéger des agressions bactériennes et parasitaires, substances appelées “ phytoncides ” agiraient de manière positive sur le système immunitaire, tandis que d’autres substances pourraient réduire le taux de cortisol et donc le stress. Cette petite balade dans le bois près de chez vous vous a-t-elle fait du bien après une journée de télétravail vissé à votre chaise inconfortable et à votre écran d’ordinateur ? Phytoncides ou pas, l’action de la lumière, le rythme du vent, les frémissements des feuilles et autres bruits de la forêt sont déjà des facteurs « naturels » qui agissent sur vos sens et vous procurent ce sentiment revigorant de bien-être.


Pourtant, la perte d’attention, de temps disponible et de repères, l’urbanisation généralisée, la précarité matérielle ou affective et le renversement de l’échelle des valeurs sont autant de maux de nos vies modernes qui empêchent les uns et les autres de prendre pleinement conscience du capital que nous offre la nature, et de l’urgence à la prendre en considération dans nos modes de vie, de consommation et de pensée. La nature nous rend service, mais elle est surtout le pilier de la vie sur terre dans le giron duquel grouille tout ce qui fait de notre chère planète un astre unique !


Les freins


Le philosophe et naturaliste Baptiste Morizot parle de crise de la sensibilité : “ La crise de la sensibilité [dit-il], c’est en fait l’appauvrissement des mots, des capacités à percevoir, des émotions et des relations que nous pouvons tisser avec le monde vivant. Nous héritons d’une culture dans laquelle, dans une forêt, devant un écosystème, on « n’y voit rien », on n’y comprend pas grand-chose, et surtout, ça ne nous intéresse pas : c’est secondaire, c’est de la « nature », c’est pour les « écolos », les scientifiques et les enfants ; ça n’a pas de place légitime dans le champ de l’attention collective, dans la fabrique du monde commun”.


Sébastien Bohler, docteur en neuroscience quant à lui évoque un bug humain : "Au cœur de notre cerveau, un petit organe appelé striatum régit depuis l’apparition de l’espèce nos comportements. Il a habitué le cerveau humain à poursuivre 5 objectifs qui ont pour but la survie de l’espèce : manger, se reproduire, acquérir du pouvoir, étendre son territoire, s’imposer face à autrui. Le problème est que le striatum est aux commandes d'un cerveau toujours plus performant - l’homme s‘est imposé comme le mammifère dominant de la planète - et réclame toujours plus de récompenses pour son action". Si cette vision peut prêter à discussion, elle met aussi le doigt sur une partie de la réalité.


Facteurs d’ordre cognitifs ou sensibles, qu’importe au bout du compte ! Le résultat semble être le même. Nous n’accordons pas ou plus à la nature la place qu’elle mérite, et celle-ci en pâtit, avec à la clé un effet boomerang. En cause, comment considérer et protéger quelque chose que nous ne cernons pas suffisamment bien ? Petit exercice intéressant, avez-vous déjà tenté une définition du mot “ nature ” ? Maintenant recherchez la définition dans les dictionnaires ; saviez-vous qu’on pouvait en trouver plus d’une vingtaine différentes ?


Au fait, qu'est-ce qu'on entend par "la nature" ?


Le mot “ nature ” est polysémique par excellence. Les définitions englobent à la fois les milieux biologiques (eau, air, sol, …) mais aussi parfois le monde minéral ; les habitats et les paysages sauvages mais également ceux aménagés et sanctuarisés en vue de leur conservation ; les groupes d’espèces du plus grand au plus petit (comme les bactéries et microchampignons) ; les forces et les principes physiques universels, les phénomènes épisodiques mais également les grands cycles. C’est un mot qui a aussi revêtu différentes significations y compris les plus contradictoires suivant les époques, à tel point qu’il est qualifié de “ panchreston ”, autrement dit un mot qui n’explique rien à force de tenter d’expliquer tout. Le chercheur Frédéric Ducarme propose de revisiter de manière passionnante l’histoire sémantique du mot “ nature ” et ses artefacts culturels dans cette émission de « La terre au carré » du 21/10/20.


Les tentatives de définition semblent donc hésitantes et floues ; entre monde minéral et vivant, composition de la matière mais également forces la structurant, y englobant l’humain ou parfois l’en excluant. C’est le symptôme d’une difficulté dont on devra nécessairement s’affranchir comme l’explique Frédéric Ducarme si nous voulons une ” écologie réconciliante ”, celle qui dit-il “ introduit de nouveaux rapports à la nature, en symbiose avec les activités humaines ”, celle qui s'intéresse à la “biodiversité ordinaire” et pas uniquement aux espèces emblématiques de ce que l’on désigne par la 6ème extinction de masse. Tenter d’appréhender la nature comme une somme d’éléments extérieurs à l’humain est tout simplement vain, cela entretient la confusion et l’opposition, jusqu’à la rupture. Peut-être serait-il temps de l’envisager plutôt comme un continuum ?


Ce mot provoque parfois aussi une sorte de méfiance : qu’est-ce qu’un produit naturel par exemple ? Se soigner par les plantes peut s’avérer dangereux, manger des baies sauvages peut s’avérer toxique. La nature peut également être perçue comme menaçante, terrifiante, salissante, inconfortable, impitoyable. Ceux qui ont lu ou vu « Into the wild » en savent quelque chose. Ces peurs et autres incompréhensions peuvent nous éloigner de l’acceptation de ce qui nous fait pourtant beaucoup plus de bien à son contact. Il arrive aussi que même lorsque nous voulons bien faire, nous manquons d’information ou ne savons pas réellement par où commencer !


Il y a toutefois une petite bonne nouvelle : aujourd’hui, le rapport à la nature peut se construire différemment, de manière apaisée, volontaire et consciente. Nous comprenons de mieux en mieux le fonctionnement des systèmes naturels et nos interactions avec eux s’éclairent à l’aune des découvertes scientifiques. Théâtre du déchaînement des éléments et des créatures démiurges, lieu de manifestation du divin avant de devenir gisement de ressources et instrument de la prospérité économique ; la conception de la nature par l’espèce humaine n’a cessé d’évoluer et l’anthropocène a introduit un nouveau paradigme dans la relation entre la terre et ses habitants. Paradoxalement, l’avènement de l’ère industrielle qui clame la “ supériorité ” de l’espèce humaine a par ailleurs fait éclore en même temps le mouvement romantique qui redonna ses lettres de noblesse à la nature en la considérant comme le terrain fertile du recueillement, du repos, de la méditation. La nature n’est assurément plus uniquement confinée aux lieux reculés et sauvages ; elle s’invite dans nos villes, certes encore soumise à la volonté de l’Homme-architecte, mais de plus en plus celui-ci abandonne son besoin de domination et de soumission au bénéfice de celui de la coopération.

La nature n’est plus seulement lointaine, dans nos campagnes et derrière nos périphériques chargés de particules. Dans nos milieux urbains existe également des parcs et des jardins particuliers. A l’échelle du pays, ce n’est pas moins d’1 français sur 3 qui serait jardinier et mis bout-à-bout, ces terrains couvriraient une surface d’1 million d'hectares soit l’équivalent de 5 fois celle des réserves naturelles nationales de France métropolitaine. Ils pourraient constituer des corridors écologiques qui sont des réservoirs formidablement propices à la biodiversité, à condition de ne pas les fragmenter et d’intégrer les impacts sur les biotopes qui sont des milieux de vie et de reproduction riches et complexes. On pense aux hypermarchés et leurs hyper parkings, aux méga entrepôts et surfaces de distribution, aux réseaux de transports (routes, autoroutes, et LGV), etc. qui morcèlent et isolent les espaces naturels, avec pour conséquence une surmortalité et un effet de coupure, véritable barrière à la circulation vitale de certaines espèces.


Sans entraves et en cessant à tout prix d'assujettir, de tout contrôler et surinvestir les milieux naturels, des écosystèmes déjà bien installés pourraient continuer à se développer paisiblement et des milieux artificialisés renaîtrait une nature qui est parfaitement capable et qui accomplirait des merveilles si on daignait la laisser faire. Pour cela, retrouver cette intuition de notre enfance quant au lien à cultiver avec la nature et se reconnecter à elle est incontournable.


Réconcilier et se reconnecter


Le terme « connexion » sont depuis l’avènement de l’ère informatique associés fortement à cette discipline, mais revenons un peu à l’étymologie du mot « connecter ». Celui-ci vient du latin « conectere », composé de « con- » qui veut dire « avec » et « nectere » qui veut dire « nouer », lui-même apparenté à « nexus » qui signifie « nœud ». Connecter c’est donc associer plusieurs éléments entre eux pour former des ensembles plus grands. C’est exactement ce que l’humain est dans son environnement, un élément associé à d’autres éléments grâce à des liens indispensables. Cultiver ce lien est tout simplement vital, et vivre sans, c'est comme évoluer sous cloche.

Les japonais ont popularisé un terme dont on entend de plus en plus parler en occident : l’ikigai. C’est un concept qui inscrit la recherche de sa raison d’être et tout simplement sa joie de vivre comme un processus permanent. Il s’agit de vivre dans son quotidien un épanouissement renouvelé par des expériences positives, l’atteinte de cet état d’esprit vécu permettant d’atteindre ce pour quoi «la vie » i.e. l’”iki” vaut “la peine ou la valeur d’être vécue” i.e. le “ gaï ”. Si pour les japonais, c’est un état d’esprit ; pour nous autres occidentaux, cette technique est employée le plus souvent dans le cadre d’une transition professionnelle. En ce qui nous concerne, prenons-le tout simplement comme une aide pour concilier ses goûts, sens, aptitudes et nécessités, et voyons comment le fait de mettre la nature au cœur de son quotidien invite au plaisir, au bien-être, à la satisfaction du sentiment d’accomplissement et comment tout ceci renforce les 4 dimensions précédentes en les rendant plus équilibrées et plus harmonieuses.


Atteindre son ikigai tel que le montre le schéma ci-dessous c’est :


Premièrement, connaître les 4 dimensions de sa vie : compétences, préférences, besoins du monde et reconnaissance (ou profession) en connaissant et formalisant les réponses aux questions suivantes : Ce pourquoi on est doué ? Ce qu’on aime/préfère ? Ce dont le monde a besoin ? Ce pourquoi on se sent valorisé ?


Puis partant des 4 dimensions précédentes, il s’agit de déterminer ou mieux comprendre ce qui permet d’accomplir selon vous, à l’intersection des 2 à 2 de ces dimensions :

  • Sa passion : Qu’est-ce que j’aime bien faire et que je fais déjà bien ou pourrais-je faire en m'améliorant ?

  • Sa vocation : Parmi ce que j’aime bien faire, qu’est-ce qui peut répondre à ce dont le monde a besoin ? Ou comment faire ce que j’aime bien en contribuant aux besoins du monde ?

  • Sa mission : De quoi le monde (ma communauté, mon environnement immédiat) a-t-il besoin et qui me procurerait un sentiment de reconnaissance (monétaire ou pas, tels que des sentiments de fierté ou d’utilité) si je pouvais lui apporter ?

  • Sa profession : Qu’est-ce je sais bien faire et qui me procure ou pourrait me procurer de la reconnaissance dans mon métier actuel (ou éventuellement dans une démarche de transition) ?

Comment utiliser cet outil pour entamer une démarche de reconnexion ou de réconciliation écologique me direz-vous ? En adaptant le concept de l'ikigai présenté plus haut de sorte à y placer la nature quelque part entre ses passions, sa profession, sa mission et/ou sa vocation.


On peut commencer par remplir les 4 dimensions (compétences, préférences, environnement et reconnaissance) avec les éléments représentatifs de sa situation actuelle. Essayez de favoriser des idées précises avec des phrases entières contenant des verbes d’action, et pas uniquement des concepts. Ensuite, aux intersections (passion, vocation, mission, profession), essayez de vous demander comment le lien à la nature peut être amélioré ou bien augmenté.





Une fois cette cartographie multidimensionnelle réalisée, beaucoup d’actions deviennent tangibles et possibles, et internet regorgeant de sites et autres blogs pour compléter et approfondir les actions que vous aurez choisies à votre rythme et en privilégiant celles qui sont au coeur de ce qui est important pour votre équilibre et donc votre ikigai, vous savez ce qu’il vous reste à faire ! Cette démarche réconcilierait ainsi petit à petit un peu plus la nature à votre ikigai (et l’inverse, votre ikigai vous en remerciera), au fur et à mesure que de nouvelles habitudes s'installent ; en colorant passion, vocation, mission et profession chaque jour d’une teinte un peu plus « verte » et en mettant un peu plus de cette sensibilité dont parle Morizot dans ce qui fait pour vous sens, tout en donnant tort au « bug humain » dont parle Bohler (après tout, le cerveau se rééduque aussi !). Vous vous demanderez même comment vous faisiez avant et cela deviendra pour vous en somme tout à fait … naturel !


Vous aussi vous sentez le besoin de vous reconnecter ? La démarche ikigai vous inspire ? Vous avez mis en place une ou plusieurs actions pour rester lié à la nature dans votre quotidien ? Laissez-nous un commentaire pour partager vos actions et réflexions !




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